Jean-Benoit Thirion

La Loi de Poisson

Roman

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Chapitre 10

 

Un après-midi de doute a suivi mon excursion du matin dans la maison du souvenir. Je ne voyais plus tellement la nécessité de ce que j’avais fait. Quelle idée avais-je eu de me séparer de mon khi-deux, et pour en tirer quel bénéfice ? Sur le coup, obnubilé par mon objectif, complètement déstabilisé par ce qui s’était passé d’imprévisible entre mon ex et moi - elle, dans le cirage ; moi, nu et stupide -, je n’ai pas su mesurer les conséquences de cette situation. J’ai planqué le khi-deux comme si de rien n’était. Or, plus tard, en plein cours de maths, sans personne pour m’admirer via mon rayon laser, j’ai pris conscience de ma possible erreur.

Erreur, d’ailleurs, à double foyer. Primo, quand mon ex se souviendrait de mon intrusion et de mes extravagances perverses, elle m’en voudrait encore plus à mort. Quand je l’ai quittée, elle dormait sur le canapé. Au réveil, si rien ne lui prouvait qu’elle avait fait un rêve idiot ou un cauchemar, j’allais passer pour le roi des tordus, pour l’ex-mari dégueulasse qui avait gardé exprès les clés de la maison pour revenir faire ses saloperies. Je pouvais très bien me pointer chaque jour, une fois qu’elle était partie au travail. J’attendais huit heures et j’entrais, et je me foutais à poil, et je partouzais avec ses sous-vêtements toute la sainte journée. Le soir, à son retour, elle ne voyait que du feu, j’avais tout rangé, lavé le linge souillé, repassé, nettoyé les murs souillés, les meubles souillés, le lit, les fauteuils du séjour notamment, puisqu’il semblait que le séjour était mon lieu de prédilection. Elle m’y avait surpris, nu et grelottant, maso en plus d’être pervers.

Tout le reste de la journée elle avait dû m’incendier, me traiter de tous les noms, me mettre plus bas que terre et se plaindre à qui voulait l’entendre. Le khi-deux ne pouvait en permanence la contraindre à m’apprécier. Elle est comme tout le monde. Elle riait dans les feux du khi-deux. Elle ne riait plus hors des feux du khi-deux.

L’autre paramètre, le secundo, que j’avais négligé, c’était son mal de dents. Pour peu que le dentiste l’ait charcutée, par nécessité elle demeurerait aphone un moment. C’est dur de s’exprimer, la bouche dans le plâtre. Au téléphone, ce soir, khi-deux ou pas pour la mettre dans de bonnes dispositions, je n’aurai droit au mieux qu’aux borborygmes d’une bouche infirme. Mon amour, c’est moi - Mmmeumeumeu - Comment te sens-tu ? - Mmmeumeumeu - Je n’ai pas arrêté de penser à toi - Mmmeumeumeu. Dans ces conditions, la communication aurait de grande chance d’être un ratage total. Téléphoner aux séquelles d’une rage de dents, quoi de plus de bête ? Mmmeumeumeu...

Je suis comme ça. Que j’agisse ou que je n’agisse pas, je doute. Je me gâche la vie à douter. Certes, le khi-deux a un peu changé la donne. La confiance est revenu avec le khi-deux. Non pas que je me sente plus sûr de moi, mais je me sens plus sûr de mes interlocuteurs. C’est dire si cette journée sans le khi-deux a été un vrai calvaire. Voilà des mois que je me protège derrière mon khi-deux. J’en ai pris l’habitude. La comparaison du flic sans son arme lors d’une ronde de nuit dans un quartier malfamé semble la plus adaptée, tant je me sens à la merci de la moindre adversité. J’ai eu l’impression, face aux élèves, d’être bien plus nu durant trois heures d’affilée que ce matin chez mon ex. J’étais plus nu que nu. Ecorché. Ils ont senti que je n’étais pas dans mon état normal. J’ai eu le droit à un tir nourri de questions désagréables. Et pourquoi ceci, et pourquoi cela ? Pourquoi cet axiome ? Pourquoi pas ce théorème ? Ils ont passé l’âge du chahut, c’est une chance.

Et j’avoue ne pas avoir été mécontent de retrouver mes pénates tout à l’heure. Refermer la porte derrière moi a été un soulagement, d’autant plus que j’ai croisé dans le hall d’entrée en arrivant ma charmante Lolita du dessus avec deux copines. Les moqueries à peine voilées n’ont pas manqué. On est monté ensemble en ascenseur. Je ne savais plus où me mettre. Elles ont ri de moi, et moi je souriais tristement de leurs gamineries. J’étais un type ridicule ; elles le clamaient haut et fort dans leurs chuchotements. Quand vous n’êtes pas d’un groupe, la connivence vous est fatale. Je me suis juré, en arrivant à mon étage d’aller rechercher le khi-deux dès demain matin.

Tant pis si je rate la première heure de cours. Ils m’attendront. Je peux bien avoir du retard. Réveil mal programmé. Incident de dernière minute. Une voisine prise de convulsions qu’il faut emmener d’urgence à la maternité. L’oubli du cartable qu’il faut revenir chercher. Problème de circulation. Une fois n’est pas coutume. Je suis toujours à l’heure. J’aime précéder mes étudiants dans l’amphi ou la salle de cours. Lorsqu’on pénètre dans une salle pleine, on est comme empesé de son propre trac et l’on devient un phénomène de foire. Conjonction des regards sur vous. Concentration sur le petit détail qui tue. Vous êtes ébouriffé. Vous avez une tache mal placée. Arrivé en premier, au moins, on se sent moins défavorisé pour affronter la succession d’individus ou de grappes humaines. Les forces sont équilibrées. C’est à un contre un, deux ou trois. Si j’en avais le pouvoir, j’exigerais des élèves qu’ils laissent leur regard au vestiaire.

Le téléphone aussi, quel danger ! C’est lui qui me tarabuste le plus maintenant. Prendre l’initiative d’appeler provoque un trac identique à celui ressenti lors d’une entrée en cours, quand tout le monde vous attend. Lorsqu’on doit appeler, qu’on tergiverse, le poison de la peur a le temps de circuler dans nos veines. En gros, hésiter fait hésiter davantage. Le trac engendre le trac.

J’ai passé ma soirée à paniquer tout en essayant de me persuader que je ne paniquais pas. C’est si simple d’appeler anonymement et de garder le silence jusqu’à ce que l’autre raccroche.

Penser à autre chose. Bien sûr. L’esprit occupé se calme, dit-on. Mais voilà, j’ai beau essayer, impossible de me fixer sur quoi que ce soit. Le leitmotiv interdit ne me lâche pas. Leitmotiv, ça ne ressemble pas pour rien à locomotive ; ça repasse sans arrêt dans une gare de cauchemar où vous êtes piégé et qui n’a pas de sortie. Ni “l’Invention du crépuscule”, ni “Marius ex machina”, ni le dernier numéro de “Substance noire”, ni "Gratos”, le journal d’annonces gratuites de la semaine, ne parviennent pas à me distraire suffisamment. Rien. Pas même les copies à corriger de la B3. Je n’arrête pas de jouer à saute-mouton sur les multiples cadrans de l’appartement.

Au ton de sa voix, je saurais si elle est dans le rayon d’action du khi-deux.

Pourquoi m’en faire alors ?

Elle est en colère, je raccroche. Pas besoin de parler. Pas besoin de me dévoiler. Il n’y a rien à craindre, non ? C’est comme d’habitude, non ? Appel anonyme, petit frisson de plaisir en raccrochant, puis dodo, content du devoir accompli.
Elle est dans de bonnes dispositions, j’enchaîne. Un ton neutre, “allo, oui ?”, je garde le silence, je respire. Au bout de dix secondes de soufflerie, soit elle raccroche, soit elle me traite de mouche à grosses touches et antenne caoutchoutée, soit sa voix se fait chocolat fondant en prononçant mon nom de la manière la plus sucrée qui soit. C’est toi, mon petit Poisson au chocolat, qu’il est mignon à croquer, mon petit Poisson au chocolat, il va me soigner ma dent malade, mon petit Poisson au chocolat, me cacher ma vilaine carie avec son chocolat noir, me panser mon vilain abcès parodontal avec son chocolat au lait, mon petit Poisson au chocolat qui fond dans la bouche, revitalise et tue les bactéries, j’adore les petits Poissons au chocolat avec des écailles en relief et des nageoires partout, et toi tu es mon petit Poisson préféré, et même si les Poissons ne parlent pas au téléphone, parce qu’ils ne savent faire que de jolies bulles, je te reconnais, mon petit Poisson préféré aux noisettes, aux amandes, au riz soufflé, aux écorces d’orange, à la liqueur...

Je bois pour calmer mes nerfs. Une bouteille de fitou y passe. C’est pour la bonne cause.

C’est égal, je me suis dit, si je suis paf, qu’elle m’écoute ou m’envoie sur les roses, je m’en fiche. C’est égal, mathématiquement parlant, c’est même équivalent, identique, équipotent, isomorphe, bijectif. Je suis au-dessus de tout ça. Qu’elle réponde ou ne réponde pas, je lui dis tu es mon ex et quoi qu’il arrive tu restes et tu resteras toujours mon ex, et je raccroche. Mon ex, mon ex, mon ex, puissance 2, puissance 10, puissance n + 1, ne soyons pas chiches. Je raccroche avant elle. Ou sinon je lui démontre par a plus b qu’elle passe son temps à vouloir faire bouger les choses, mais qu’en vérité elle ne s’intéresse qu’à ce qui n’a pas bougé. En clair, ma vieille, t’es dans un processus bouché où tu ne fais que repérer des invariants et ça ne mène pas loin, et pan ! Mathématique.

Dix heures.

Heure tragi-comique où les mathématiciens aigris sortent le nez de leurs manuels pourris.

C’est l’heure où d’habitude j’appelle.

Allo, oui ?

Respiration, respiration, respiration.

Elle sait que c’est moi. Je suis persuadé qu’elle sait que c’est moi. Elle sait que c’est moi l’anonyme de 22 heures. Tchou tchou, passe le leitmotiv. Les ex regardent passer sur les rails d’une ancienne vie les vieux maris qui s’accrochent. Elle sait. Pourtant, elle ne m’a jamais dit je t’ai reconnu, arrête tes conneries ! Une fois, elle a dit arrêtez vos conneries ! Vouvoyant mes conneries, elle m’excluait du champ de ses accusations. C’est comme si elle disait c’est n’importe qui le connard au bout du fil sauf toi. Appréciable délicatesse. Voyez comme j’ai des raisons de l’aimer comme je l’aime, mon ex. Je suis sûr qu’il y a un fond de sentiment, en mémoire de notre passé commun, dans sa dénonciation visant tout le monde et n’importe qui sauf moi. Elle sait que c’est moi et fait comme si ce n’était pas moi. Elle me trouve des excuses. Si j’agis ainsi, c’est que je suis malheureux. Il est vraiment malheureux, pense-t-elle. Et c’est vrai que je suis malheureux. Elle le perçoit en écoutant ma respiration. Quand elle dit “allo oui ?”, elle me dit mon amour du passé, je ne t’ai pas entièrement oublié, il reste une petite place pour toi dans mon cœur et je sais que c’est toi l’anonyme de 22 heures, mais je fais semblant de ne pas penser que c’est toi, parce que ce serait trop cruel de me mettre à t’invectiver, je ne veux pas te faire souffrir, parce que tu es un brave type qui s’est sacrifié pour que je revive, en me faisant croire que tu étais parti avec une autre, mais je n’ai pas été dupe, et si j’ai accepté de jouer le jeu, c’est qu’il le fallait, tu avais bien vu, bien analysé la situation, je n’en pouvais plus, j’étouffais comme toute femme qui a besoin de trouver un deuxième souffle, sinon elle meurt debout tout en continuant à faire semblant de vivre, et ces appels téléphoniques anonymes et nocturnes me rappellent à qui je dois ce miracle de revivre...

Dix heures cinq.

Je finis la bouteille.

Dix heures dix.

J’appuie sur la touche zéro. L’appareil compose tout seul le numéro.

- Allo oui ?

La voix déjà, après une seule sonnerie, mais pas sa voix. Une voix d’homme. Faux numéro ? Pourtant, l’erreur est impossible, le numéro est préenregistré. J’ai bien appuyé sur le zéro. As de la calculette et de la télécommande, je suis on ne peut plus méticuleux sur l’effleurement des touches. J’appuie toujours en regardant à deux fois. Je connais les risques dus à l’inattention. Les erreurs de calculs fourmillent sur mes copies à corriger. Et depuis que j’ai le khi-deux, je suis encore plus obsédé de précision.

- Allo ?

Je pense à l’autre, à mon remplaçant, au Nono. Et je ne me trompe pas. Je ne sais pas comment il a fait, mais lui aussi me reconnaît. Comment il peut savoir ? Mon numéro s’est affiché sur son écran de contrôle ? Normalement, il ne peut pas apparaître. J’ai refusé la présentation aux Télécoms.

- C’est vous ? Vous venez aux renseignements, c’est sympa. Votre ex se remet doucement de son passage chez le dentiste. Elle est couchée, mais ça va à peu près. Elle est sous analgésique. Elle dort. Tant mieux pour elle. Quand elle dort ça va.

Je n’ai rien dit et il sait que c’est moi.

Une énigme !

- Vous savez qu’elle croit vous avoir vu aujourd’hui ? A cause de la fièvre, sans doute, car je ne vous dis pas comment elle vous a vu. Si vous saviez ce qu’elle m’a raconté ! Je ne savais pas qu’un abcès parodontal pouvait faire autant délirer.

Son rire vibre à mon oreille.

Rire de celui qui a pris votre place. Rire de voleur. Rire honni. Rironie du sort.

Qu’est-ce que je dois faire ? Répondre ou raccrocher ?

Je repense au khi-deux.

Oui, c’est l’effet khi-deux ! Il m’a reconnu grâce au khi-deux. Il est dans son champ d’action. Il est assis dans le fauteuil ciblé. Il m’a reconnu parce que le khi-deux agit sur sa conscience et lui commande d’être agréable à mon égard. Je n’ai pas l’interlocuteur désiré. Tant pis. Le rayon du khi-deux n’est pas regardant. Peu importe qui se trouve dans son collimateur. Ne compte que le résultat. Me voilà bien. Nono me tient la jambe parce que je l’ai piégé malgré moi. Bien fait pour moi, ça m’apprendra.

- Vous êtes toujours là ? Mais je vous le répète, ne vous inquiétez pas, elle va bien, après une bonne nuit de sommeil elle sera remise. Je lui dirai que vous avez appelé, ça lui fera plaisir. Et puis, il faudrait venir nous voir. Moi, je ne suis pas de la vieille école ; ça ne me gêne pas de rencontrer les anciens partenaires de la personne avec qui je vis. Les amis de mes amis sont mes amis, comme on dit. D’autant plus qu’on se connaît. Je vous ai vu à plusieurs occasions. Aux Noëls de l’entreprise notamment. Yoga, tai-chi, méditation transcendantale, vous vous rappelez ? Zen jusqu’au bout des ongles. On avait discuté une fois ensemble, avant que... Enfin, je ne veux pas faire ressurgir le passé. Vous étiez plutôt du genre rationnel, cartésien, plutôt ferme dans vos convictions. J’aime plutôt. Ce serait vraiment épatant de pouvoir échanger nos idées. Non pas que je tienne à vous convaincre de quoi que ce soit, mais bon, on est sur terre pour communiquer, non ? C’est ce que je me répète à dire aux gens qui veulent bien suivre mon enseignement. Il y a un temps pour méditer et il y a un temps pour communiquer. L’un ne va pas sans l’autre. On marche sur ces deux jambes, la jambe de la méditation et la jambe de la communication. Je rencontre malheureusement autour de moi trop d’unijambistes, quand ce ne sont pas des culs de jatte. Vous devriez vous y mettre vous aussi au yoga. On pourrait organiser des séances ici, à la maison. Vous ne seriez pas dépaysé. Je lui en parlerai quand elle ira mieux. C’est vrai, pourquoi pas ? Je viens ici de temps à autre avec les enfants. Je les initie. Ils ont drôlement besoin de relaxation, les mômes, aujourd’hui. Le yoga serait obligatoire partout dans les écoles, ça irait drôlement mieux. On pourrait faire ça le samedi, le dimanche, ensemble, ou un autre soir en semaine, comme ce soir. Mais croyez pas que je pousse à la roue, que je veux vous forcer, je ne suis pas comme ça, à chacun de savoir ce qu’il doit faire. Tiens, c’est vrai, on organise une petite fête ici vendredi soir. Pourquoi ne viendrez-vous pas ? Ce serait une bonne occasion de se revoir. Je suis sûr que votre ex serait enchantée. C’est un truc sympa entre bons collègues. Chacun amène quelque chose. A la bonne franquette. Une soirée sympa, vous voyez ? On pourrait se dire tu, tiens, non ? Je vous... Je te ferai goûter une petite prune dont tu me diras des nouvelles. Production maison. Mes parents ont un alambic. Et j’en donne une bouteille à mes très bons copains. Si tu apprécies, ça me ferait vraiment plaisir de t’en offrir une.

- A qui tu parles mmmeumeumeu ?

Voix de mon ex dans le lointain. Je l’imagine à l’entrée du salon, en chemise de nuit, la main sur la joue enflée. J’espère qu’ils ont monté le chauffage depuis ce matin, sinon elle va attraper froid.

- A qui je parle ? A ton ancien Jules.

- Qu’est-ce qu’il veut celui-là mmmeumeumeu?

- Il a appelé pour avoir de tes nouvelles.

- Il peut pas nous foutre la paix mmmeumeumeu.

- C’est gentil de sa part. Comment tu te sens ?

- Mal mmeumeumeu. Et encore plus mal quand il appelle mmmeumeumeu. Quel besoin a-t-il d’appeler mmmeumeumeu ? Est-ce que je l’appelle, moi mmmeumeumeu? J’ai déjà assez avec les cauchemars dans lesquels ils se trouvent mmmeumeumeu.

- On devrait l’inviter pour vendredi soir. Ce serait sympa. Il est chouette. Je l’aime bien.

- Laisse tomber mmmeumeumeu. Je tiens pas à le voir mmmeumeumeu...

- Tu veux quelque chose de chaud ? Une boldo ?... Allo ? Elle est repartie se coucher. Ce n’est pas le nirvana. Les dents, hum, c’est terrible. Où on en était ? On était d’accord pour se tutoyer, non ? Allo ?

Je coupe la communication.

Assez ri.

Oui, le khi-deux fonctionne à distance. C’est bien de le savoir. Merci, Nono, tu as été un bon cobaye. A partir de là, on peut envisager un large éventail d’applications, de la simple incitation aux louanges à l’extorsion de n’importe quel service. Exactement ce que me suggérait mon imagination hier. La réalité se plie à mes désirs. N’envisageons pas ce qui pourrait advenir si le khi-deux tombait par mégarde en de mauvaises mains. Quelqu’un de mal intentionné ne se contenterait pas des sourires comme moi. Moi, je ne profite pas de la situation. Conclusion, le khi-deux doit rester en ma possession quoi qu’il arrive. Echu à un autre que moi, attention, danger, ça bouleverserait l’ordre des choses. Trop d’abus et une utilisation malsaine se feraient au détriment de la collectivité. Il faut une morale à toute épreuve pour détenir une arme telle que le khi-deux. Casier vierge exigé, pattes blanches, respectabilité. Moi, oui. Les autres, non. Du reste, le khi-deux ne m’est pas tombé du ciel pour rien. Le khi-deux m’a choisi. Il a choisi un être de raison, quelqu’un de bien, quelqu’un de confiance, quelqu’un de sensé, certes pas un parangon de vertu, mais pas un pervers, pas un profiteur.

Si j’étais pervers, qu’est-ce que je ne ferais pas !

Et si j’étais un profiteur !

Mais ce n’est pas interdit d’être un tout petit peu tout petit peu profiteur. C’est humain. Et ce n’est pas interdit d’être un tout petit peu tout petit peu pervers. Je ne suis pas fait de plastique et d’électronique.

Demain, je récupère le khi-deux et en avant pour la suite de mes aventures.

Aller de l’avant, oui.

J’y vais, télécommandé par le fitou, direct au lit.

 


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